Preuves du plagiat

 

Plagiat d’Assouline (ou du nègre)

« Correcteur

« Qu’on se le dise, l’auteur joue désormais un rôle mineur dans l’écriture d’un livre, lequel a pour cheville ouvrière un nègre et un correcteur; le premier on connaît : c’est si l’on peut dire un marronnier, ainsi que les journalistes désignent les sujets aussi rebattus que récurrents ; du second on ne sait rien ; le correcteur d’édition, à distinguer d’emblée du correcteur de presse (même métier, autre univers, l’un travaille seul chez lui où il prend son temps, enfin c’est [ce] qu’on s’imagine, quand l’autre travaille en équipe où on le presse sans cesse) est aussi appelé préparateur de copie. L’auteur, l’éditeur, le lecteur attendent beaucoup de lui. Voilà pourquoi il intervient de plus en plus en conseiller historique, documentaliste, rewriter… Quand il n’y a pas de faute, c’est normal, quand il en reste c’est la sienne. Nul ne se doute que nombre d’écrivains font une fausse couche quand on leur retire une virgule. Le correcteur dont l’humilité doit être la qualité seconde (une certaine connaissance de la langue française paraît en premier lieu indispensable) a partie liée avec la fonction de souffleur. C’est un éviteur de catastrophes. Il ne doit jamais se fier à la mémoire de l’auteur pour ce qui est des citations. Il doit se méfier des pièges, sosies et homophonies, car il ne corrige pas que les fautes d’impression mais d’abord l’emploi du français et de la microtypographie.

De grands écrivains se sont attaché une correctrice à vie, ou presque, tant ils lui faisaient confiance : le cas de Simenon avec Doringe ou de Céline avec Marie Canavaggia. On l’a oublié si on [ne] l’a jamais su, mais Erasme et Fourier faisaient profession de correcteur, de même qu’André Breton qui peina sur les manuscrits de A la recherche du temps perdu, les coquilles qu’il négligea étant mises sur le compte d’un surréalisme de contrebande. La névrose du correcteur : sens hyperbolique du détail, maniaquerie en toute chose et le plus souvent passion monomaniaque pour un unique écrivain à l’aune duquel toute œuvre est jugée. On croirait que Moby Dick est leur bréviaire à tous : chasse à la faute ou chasse à la baleine, c’est tout comme. Le correcteur a ceci de commun avec le traducteur qu’il est un invisible en quête de visibilité. Non pour se montrer mais pour exister. »

Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature, Plon, 2016

 

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Livre plagié

 

Le correcteur est au fond l’homme le plus important… du triangle auteur-éditeur-correcteur (p. 13)

Avec le correcteur [le « nègre »] est la cheville ouvrière de ce qu’on appelle improprement et rapidement un « livre » (p. 18)

A tous ceux qui voudr aient se lancer dans la voie correctrice, je ne peux que recommander la plus grande, la plus prestigieuse humilité… Quand je dis « humilité », je n’entends pas « servilité », bien sûr. L’humilité est relative au travail, la servilité n’est relative qu’à l’auteur, à l’éditeur, etc. (p. 20-21)

Parfois, pour me sentir moins inimportant, je me suis flatté d’exercer l’activité jadis pratiquée, plus ou moins brièvement, par Erasme ou Fourier (p. 23)

Breton a corrigé, assez mal du reste, La Recherche du temps perdu. Certains trouvent géniales les coquilles qu’il a laissées, surréalistes avant la lettre (p. 24)

Il sera ici question du correcteur d’édition plutôt que du correcteur de presse, quotidienne ou périodique. L’un travaille seul, l’autre non (p. 28)

… il faut redouter les sosies et en général les pièges… Les « homos » (abréviation pour homophones) sont ce que le sosie est au policier (p. 33)

[le correcteur] se fait volontiers rewriter, pour les traductions, mais pas seulement, conseiller historique pour les livres dont l’intrigue est placée dans des temps plus ou moins reculés, ceux en général dont le propos concerne les siècles passés, documentaliste pour les ouvrages sur le présent, etc. (p. 47)

… on peut et même on doit affirmer que la correction et la chasse à la baleine offrent tant de similitudes qu’il est presque permis de parler d’identité (p. 89)

L’auteur lui dit-il : « Cette citation je suis sûr qu’elle est exacte »? Le correcteur trop souvent s’exécute, fait confiance à l’auteur auquel il ne faut jamais faire confiance, sauf rarissime exception (p. 99)

On se souvient peut-être, à cause de leur longue correspondance, du nom de la correctrice de Céline, Marie Canavaggia, mais c’est à peu près tout (p. 100)

Bien qu’il aime la discrétion, et jusqu’à l’invisibilité, le correcteur n’aime pas qu’on ne le voie pas et apprécie qu’on lui tienne la porte lorsqu’une personne rentre devant lui dans une maison d’édition. On peut résumer ce troisième point ainsi : l’invisibilité soit, l’inexistence non (p. 101)

Le correcteur vise de plus en plus… à accroître ses privilèges en fonction de son importance dans l’évitement des catastrophes (102)

 

Souvenirs de la maison des mots, Ed. 13 bis, 2011

Cela fait plus d’une douzaine d’emprunts. Et j’en passe, par compassion. Et l’on dit que la contrefaçon est la spécialité des Chinois… S’agit-il de la relocalisation de l’activité contrefactuelle ?…