L’Epopée des Gilets jaunes vue par un Parisien, épisodes choisis, saison 1

 

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Trio d’affiches et affiches de …

Lettre à un jeune

président de la République française,

aux membres du gouvernement actuel

et en particulier au ministre de l’Intérieur

. Les Gilets jeunes ayant pris pour habitude de ne pas déclarer à la préfecture leurs manifestations, pratique notoirement illégale, vous êtes parfaitement en droit de les arrêter tous, sans même qu’ils aient sur eux une « arme » (une paire de ciseaux, par exemple, très dangereuse quand on l’enfonce dans l’œil d’un flic). Si l’on suit scrupuleusement cette recommandation, il faudra construire de grands entrepôts pour parquer ces malheureux, ce qui stimulera l’industrie du bâtiment et créera des emplois. Il conviendra de s’adresser à Piano qui n’avait pas prévu de telles extensions à son nouveau Palais de justice (son expérience des extensions de musées lui sera utile).

. Vous pensez sans le dire (et encore) que les revendications des Gilets jaunes sont un peu terre à terre, dignes de la CGT pour simplifier. Mais vous ne nierez pas que les formes d’organisation et d’action desdits Gilets sont extraordinairement nouvelles et, hélas pour vous, absolument impossibles à satisfaire sous peine de se faire hara-kiri ou de creuser une dette abyssale, digne de Louis XIV, à moins de susciter un attentat digne du Bataclan.

. Vous qui êtes si populaire dans d’autres pays que le vôtre, nous vous conseillons de vous présenter à l’élection à la présidence du Luxembourg (c’est une simple suggestion) où les électeurs sont davantage à votre portée. Déjà Thatcher était très aimée partout sauf en Angleterre et aurait dû suivre le conseil que nous vous donnons. Si nous vous suggérons le Luxembourg comme plan B, c’est que son président Juncker est assez alcoolo et devrait sous peu souffler son gaz. Du reste Valls n’a pas hésité à aller solliciter les suffrages des Catalans, n’ayant pas de chance réelle d’être élu en France, même en tant que maire adjoint d’une commune de 30 habitants.
. Les Champs-Elysées qui sont si tristes quand on les réquisitionne pour l’enterrement d’un chanteur ou le défilé de footballeurs stipendiés, fussent-ils vainqueurs d’autres équipes non moins stipendiées, ou encore pour étaler toutes les sortes de marchandises, ne trouvez-vous pas qu’ils sont plus agréables quand ils sont dénués de voitures et qu’on peut y voir des feux de joie, avec des panneaux boisés pour masquer les vitrines, etc., lesquelles excitent la convoitise générale des pauvres gens et rendent fous les passants autochtones et étrangers? C’est alors réellement la « plus belle avenue du monde ».

. Comme le disait plaisamment Tocqueville dans ses excellents Souvenirs, pendant la révolution de 1848, les bourgeois qui haïssaient les prolétaires s’étaient soudain mis à se vanter d’avoir dans leur famille un prolétaire, les ouvriers faisant alors la loi. Nous vous recommandons instamment de proclamer que vous avez plusieurs Gilets jeunes dans votre carnet d’adresses entre, il est vrai, des centaines d’adresses de patrons de multinationales, de banquiers, de vedettes sportives, d’auteurs de best-sellers, de rappeurs milliardaires, de philosophes à votre botte, etc.

. Vous n’avez pas été indifférent au grand rôle des retraités dans le mouvement dit des Gilets jaunes vantés par l’honorable Lagerfeld. Ils ont montré un énorme potentiel de créativité, de bonté sinon de révolte que vous étiez loin de prévoir, à supposer que vous soyez averti de leur existence. Maintenant que vous savez qu’ils existent, utilisez ce potentiel pour des buts constructifs, au mieux de vos intérêts; ces retraités pauvres (c’est presque un pléonasme) peuvent être de précieux alliés.

18 décembre 2018

Petite ode aux Gilets jaunes

Parmi les Gilets « jaunes », il y a des « jaunes », plus jaunes que les autres, les « Gilets jaunes libres » qui se rendent, avec autant d’empressement que n’importe quel chef de parti ou de syndicat, à l’appel du Premier ministre pour « discuter ». La France respire : ledit Premier ministre avait convoqué, quelques jours avant, lesdits Gilets jaunes ; il en était venu deux, dont l’un est parti après quelques minutes ; l’ autre est resté invisible et est ressorti de Matignon par la porte de derrière après une heure de « discussion ».

Parmi les Gilets jaunes il y a des gens qui offrent des roses aux CRS, qu’on peut appeler « surréalistes », puisque Breton avait eu l’idée d’offrir des fleurs aux passants (qui parfois les refusaient).

Parmi les Gilets jaunes manifestant à Paris (sans itinéraire préétabli, de façon insaisissable), il y a des provinciaux qui n’ont pas eu de mal à se faire interpeller et, en comparution immédiate, on vit bien, dans le nouveau Palais de justice conçu par Piano (qui voulait qu’on s’y « sente bien »), qu’il s’agissait moins de la « classe moyenne », même de la classe moyenne inférieure, que majoritairement de prolétaires (ce terme est devenu un gros mot plutôt qu’une réalité disparue).

Parmi les Gilets jaunes, il en est qui, nolens volens, prennent à certains égards le contre-pied de Mai 68, plutôt qu’ils ne l’imitent : ils vont de préférence dans les beaux quartiers, non sur la rive gauche ; ils n’ignorent pas l’État en apparence ; ils revendiquent du « quantitatif » au premier abord, ils chantent la Marseillaise non l’lnternationale, ils bloquent, ils ne font pas grève.

Parmi les Gilets jaunes, il en est beaucoup qui participent très activement à la « transition énergétique » en cramant beaucoup de voitures, or personne ne leur en sait gré. La classe dominante est non seulement méprisante mais ingrate : elle reproche aux Gilets jaunes de se préoccuper des « fins de mois » de préférence à « la fin du monde » ; or ils agissent immédiatement pour cette fameuse transition.

Parmi les Gilets jaunes, il y en a qui consentent à répondre aux questions des journalistes, mais ce sont plutôt les journalistes qui leur courent après que le contraire. Beaucoup

ringardisent les journalistes, politologues, syndicalistes, économologues, psychiatrologues, politiciens, simili-penseurs, sociologues, sondologues, réseauxsociauxlogues qu’ils côtoient sur les « plateaux » télévisés, pour la plus grande joie de tous (sauf des catégories susmentionnées).

13 décembre 2018

 

Paris complètement à l’ouest

La théorie du « blocage général sauvage » vient d’être entièrement confirmée. Celle de la « grève générale sauvage » apparaît dépassée. Mais 68 fut son apogée et marqua sa fin.

Le blocage concerne non seulement les routes et les péages, mais aussi les lieux de consommation, les centres de loisirs, les entrepôts, les raffineries, et ainsi de suite. Qui eût prévu un tel bordel il y a seulement 3 mois ? Retz écrivait à peu près dans ses Mémoires qu’un événement extraordinaire ne paraît possible à ceux qui ne sont capables que de l’ordinaire qu’une fois qu’il est arrivé . N’est-il pas sain et logique de cramer des voitures pour en faire diminuer le nombre et favoriser de ce fait la « transition énergétique » ? C’est Hidalgo qui est incohérente en déplorant les incendies de bagnoles, ce sont les émeutiers qui réalisent en actes le rêve écolo.

Ceux qui s’abstiennent (votent blanc ou a fortiori ne sont pas inscrits) à toutes les élections sont en général considérés comme des indifférents, ou même comme des traîtres, des ingrats complets à l’égard des bienfaits du suffrage universel ; or ceux qui bloquent sont souvent des abstentionnistes.

Les manifestants sur les Champs-Elysées et alentour n’ont pas eu à amener des armes. Ils les ont trouvées sur place, des pavés, des barrières de chantier, des grilles au pied des arbres, etc. Ayant entrepris de nombreux travaux de voirie, la maire de Paris a aidé les émeutiers, nolens volens. Un jeune homme a cassé sous nos yeux la vitrine d’une banque avec une trottinette. Sun Tzu conseillait déjà de « vivre aux dépens de l’ennemi ».

Les « actes de guerre » (sic) ont à tout le moins ralenti la consommation à son acmé en décembre chaque année, parfois même l’ont complètement empêchée (on a alors affaire à une société de non-consommation). La tuerie du Bataclan n’a pas dissuadé les touristes de venir en France, le tourisme a même battu tous ses records un an après. Il en va de même pour les émeutes dans les beaux quartiers.

Les chaînes d’information en continu ont continûment dénigré, dans leurs innombrables commentaires, les Gilets jaunes, mais en montrant continûment leurs actions elles ont sans doute contribué à élargir leur lutte. Il suffit de couper le son.

Sun Tzu disait encore, il n’y a que 2 500 ans, que pour l’ennemi il convient d’être insaisissable. « Avoir une armée insaisissable comme une ombre . » On ne peut mieux dire : le pouvoir qui a tout fait pour réduire les syndicats et les partis s’est retrouvé face à une force sans leaders ni revendications fixes (et sans service d’ordre). Sun Tzu écrit en outre qu’il faut que « l’ennemi ignore le lieu où il aura à combattre », mutatis mutandis c’est ce qui s’est produit le samedi 24 et même le suivant : les Gilets jaunes préférèrent les Champs-Elysées sans aller le signaler à la préfecture au lieu d’aller au Champ de Mars comme le leur avaient demandé les autorités sans autorité.

Le 1er décembre l’ouest de Paris fut livré à l’émeute en une multitude d’endroits : voitures incendiées (essence ou diesel), vitrines de luxe brisées, pillages, barricades. Le Louvre a même failli être occupé (on se souvient de l’inquiétude de Nietzsche pendant la Commune). Moult villes en province ne sont pas en reste, au contraire.

Au début du mouvement, on protestait en mettant de l’essence (trop chère) dans les voitures, ensuite on protesta en mettant de l’essence sur les voitures.

6 décembre 2018

N.B.: Le grand Renzo Piano (coresponsable de Beaubourg) a déclaré qu’il voulait qu’on « se sente bien » dans le nouveau palais de justice qu’il a conçu et qui vient d’être inauguré. Nul doute que ceux qui passent dans ce lieu en comparution immédiate, après le 1er décembre ou même avant, et sont condamnés partagent entièrement le souhait du vieux, pour ne pas dire sénile, architecte génois.

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Affiche collée le 1er décembre 2018 sur vitrines non brisées aux alentours de la Concorde

AU SECOURS MACRON REVIENT

 

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Gilets jaunes (décembre 2018). Notes rapides. Sun Tzu, la trottinette, les travaux écolos, la société de non-consommation, le rêve écolo

Gilets jaunes (décembre 2018). Notes rapides.
Sun Tzu, la trottinette, les travaux écolos, la société de non-consommation, le rêve écolo

A partir du samedi 17 décembre

1) pas de déclaration des blocages, ou manifs à la préfecture (cf. manif à moto il y a plus de 35 ans), donc plus de difficultés pour les flics à intervenir
2) pas de vitrines caillassées rue du Faubourg St Honoré samedi 17, mais manif sauvage parvenant à 200 m de l’Elysée
3) pas de résistance aux flics sur les barrages routiers jusqu’à présent en général et autres blocages, manifs ; cf l’eau qui coule ne se heurte pas  au rocher qui l’empêche de s’écouler mais le contourne
(voir apologie de l’eau dans Sun Tzu)
4) certains manifestants (parfois âgés) avouent que c’est leur première manif
5) pas de leaders, mais interviews sur les points de blocage des « porte-parole », etc.) pas de revendications vraiment nettes (?) mais ras-le-bol général, revendications aussi mobiles que les barrages
6) triomphe de la théorie du « blocage général sauvage » déjà formulée dans « Secrets de la forme » (1986) et des antigroupes ; celle de la « grève générale sauvage » (et des groupes) formulée depuis un siècle apparaît dépassée
7) la voiture au centre de l’actualité (arrestation de Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan pour fraude fiscale au Japon mardi 20)
8) le Capitole n’est pas loin de la roche Tarpéienne : Macron Jupiter mis au rencart après des mois de sidération, en particulier des « intellectuels » et ex-gauchistes (Cohn-Bendit, etc.), Ghosn itou
9) opposition Paris-périphérie peu convaincante, bien que les blocages à Paris et en banlieue soient rares sauf samedi 24
10) le blocage concerne les routes et les péages mais aussi les lieux de consommation (supermarchés), les centres de loisirs (Disneyland), les entrepôts (Amazon), les raffineries, etc.
Qui eût prévu un tel bordel il y a seulement 3 mois ? Retz écrivait à peu près dans ses Mémoires qu’un événement extraordinaire ne paraît possible à ceux qui ne sont capables que de l’ordinaire qu’une fois qu’il est arrivé
11) démontrer la fausse opposition avec la question écologique, rejet du mouvement par les bobos (en particulier parisiens). N’est-il pas sain sinon logique de cramer des voitures pour en faire diminuer le nombre et donc faire baisser la pollution et favoriser de ce fait la « transition énergétique » . C’est Hidalgo qui est incohérente en déplorant les incendies de voitures, ce sont les émeutiers qui réalisent en actes le rêve écologique
12) la figure du « peuple » est affirmée clairement par les membres du mouvement
13) fraternisation assez fréquente avec CRS (déjà les routiers sont sympas), appui matériel entre autres des gens du coin ; pour les gendarmes cela va de soi puisqu’ils habitent en général au même endroit que les « bloqueurs » et sont parfois même conjoints ou parents de ces derniers
14) importance de la météo (les blocages sont à l’extérieur), arrivée de l’hiver, de la neige
15) ceux qui s’abstiennent (ou votent blanc ou a fortiori ceux qui ne sont pas inscrits) à toutes les élections sont en général considérés comme des indifférents, ou même comme des traîtres, des ingrats complets à l’égard des bienfaits du suffrage universel ; or ceux qui bloquent sont souvent des abstentionnistes
16) être traité « d’anarchiste » par le « pouvoir » n’est pas forcément une insulte, comme semblent le penser quelques « bloqueurs ». C’est après tout l’étymologie grecque de ce mot : absence de chef
17) la « révolution » comme perspective inéluctable selon un nombre croissant de personnes. Macron tient sa promesse, son livre est intitulé « Révolution »
18) les partis et les syndicats notoirement corrompus sont devenus en outre visiblement inutiles
19) les manifestants du 24 novembre sur les Champs-Elysées n’ont pas eu à amener des armes ; ils se sont servis de ce qu’ils ont trouvé sur place, des pavés pour lancer sur les flics ou les vitrines, des palissades de chantier (si nombreux en ces temps écolos, ainsi Hildago veut décourager les automobilistes mais a encouragé les émeutiers, nolens volens) pour élever des barricades qui sont ensuite incendiées ; j’ai même vu quelqu’un casser une vitrine de banque avec une trottinette ; Sun Tzu déjà conseillait, autant qu’on peut, de « vivre aux dépens de l’ennemi »
20) les barricades sur la « plus belle avenue du monde » ont disparu dès le lendemain et parfois ont été démantelées le jour même par les flics qui les dispersaient dès qu’elles étaient élevées. Ces « scènes de guerre » ont quand même ralenti la consommation à un mois des fêtes de fin d’année, parfois même l’ont complètement empêchée (société de non-consommation) et peut-être dissuadé des touristes de venir en France. Mais la tuerie du Bataclan n’a pas empêché le tourisme de battre tous ses records un an après (il y a après tout de plus en plus de touristes de par le monde, et de plus en plus de tueries aux Etats-Unis et ailleurs)
21) les chaînes d’information en continu ont copieusement dénigré dans leurs commentaires les « Gilets jaunes », mais en les montrant avec insistance elles ont sans doute contribué à élargir leur lutte ; il suffit de couper le son
22) Sun Tzu disait encore que pour l’ennemi il convient d’être « insaisissable ». « Avoir une armée insaisissable comme une ombre ». On ne peut mieux dire : le pouvoir qui a tout fait pour réduire partis et syndicats se sont retrouvés face à une force et à des revendications sans contours nets, ce qui est assez inédit, sinon cocasse. Un Premier ministre qui dit qu’il ne recevrait pas les Gilets jaunes puis qui accepte une rencontre avec eux, puis qui attend des plombes leur venue, voilà qui est d’un grand ressort comique
Sun Tzu écrit aussi qu’il faut que « l’ennemi ignore le lieu où il aura à combattre » ; mutatis mutandis c’est ce qui s’est produit le samedi 24 ; le lieu assigné à la manif par le pouvoir était le Champ de Mars mais les Gilets jaunes préférèrent les Champs-Elysées, insuffisamment protégés par les flics
23) fin novembre tous les partis volaient au secours des Gilets jaunes, en paroles au moins ; ces derniers ne sollicitaient l’aide d’aucun parti ni même d’un media. Dans les « débats » à la télévision ils ringardisent tous les autres intervenants : politiciens, syndicalistes, penseurs, sociologues, politologues, sondologues, et tous les abonnés-aux plateaux-formatés-media . Leur fraîcheur est réjouissante à voir, leur extrême manque de politesse très tonique, leur absence de langue de bois très inhabituelle
24) 1er décembre : l’ouest de Paris est livré à l’émeute en une dizaine d’endroits au moins : voitures incendiées (essence ou diesel), vitrines brisées, barricades, pillages ; côté visuel : flammes se dressant vers le ciel et fumées noires, côté sonore : grenades assourdissantes, côté olfactif (lié au précédent) : odeur intenable des lacrymos, parfum acre des véhicules cramés; en outre touristes un peu affolés et privés de selfies, mais contents d’avoir quelque chose d’original à raconter à leur retour (« ah j’y étais »);  incessantes escouades de police bruyantes séparées par l’espace réglementaire de 3 m, l’avenue Kléber redécorée pour Noël par un graphiste inspiré, Gilets jaunes laissant faire ou participant à la liesse ; le Louvre a failli être occupé et ainsi de suite
25) ainsi on a découvert (et le monde également) que les Champs-Elysées ne sont pas seulement un lieu où défilent les footballeurs victorieux, où l’on célèbre les chanteurs disparus, on l’on consomme du Vuitton et autres et où se promènent les Chinois en goguette, mais un espace de jeux divers
26) au début du mouvement on protestait en mettant de l’essence (trop chère) dans les voitures, ensuite on proteste en mettant de l’essence sur elles
27) il ressort de tout cela que la date des fêtes de fin d’année a été avancée, d’environ un mois. On avance bien sa montre d’une heure de temps en temps, mais pas à la suite d’une action spontanée

A suivre

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« Nouveauté 2018 » : Relisez Les Secrets de la forme (éditions 13 bis, Paris, 1986)

« Nouveauté 2018 » : Relisez  Les Secrets de la forme (éditions 13 bis, Paris, 1986)

« La théorie nouvelle doit pourtant s’appuyer sur la théorie situationniste quitte à en contredire plusieurs points et non des moindres aussi bien que sur l’analyse de l’évolution de la société et des luttes subversives radicalement neuves que fait naître un tel changement.
De même que nous remplaçons le spectacle par l’affranchissement, nous substituons à la grève, fût-elle sauvage, le blocage général et au groupe l’anti-groupe comme formes d’action et d’organisation de la nouvelle époque.
Voilà près de 15 ans que nous ne cessons, dans de nombreuses brochures plus ou moins anonymes, de prêcher les vertus du blocage comparativement à la grève moins par souci d’efficacité (car il se fait immédiatement sentir) que parce qu’ayant surtout pour cadre la rue il permet un dépassement naturel et non moins immédiat des rôles d’ouvrier, d’employé, de passant et l’unité réelle des individus en lutte et de chaque individu pris isolément.
Ces vues ont toujours paru de folles utopies ou des fantasmes personnels regrettables qui ne valaient pas la peine qu’on en parle ou qu’on les réfute. La théorie sociale marchait à cent lieues derrière la réalité.
Notre critique de la grève partait du principe que l’entreprise est non pas l’objet du combat mais un adversaire dans la lutte. Or la grève entérine de façon quasi automatique le cadre de travail qu’il s’agit de dépasser immédiatement sous peine d’en rester prisonnier. Le blocage général sauvage était la solution à ce dilemme théorique et pratique à ce dilemme.
Le blocage n’est que l’arrêt des fausses communications de toutes sortes du système affranchi et inaugure l’avènement de la vraie communication. Certains pays, comme le Japon et le Chili, par leur dépendance totale vis-à-vis de leur réseau de communication (bien que dans tous les pays et entre eux cette dépendance ne cesse de s’étendre) favorisent le désir de blocage et des actions de type blanquiste. Des commandos résolus de quelques dizaines de personnes, comme on le vit en maintes occasions et très récemment à Tokyo et Osaka, peuvent paralyser des mégapoles, brièvement mais entièrement, en faisant sauter des pylônes électriques ou des voies ferrées ou les deux à la fois.
Il n’y a en définitive pas si loin de la grève sauvage au blocage général, comme cela put aisément être observé à deux reprises dans l’année 1985 (qui fut véritablement l’année internationale du blocage) lors de la grève des trains dans toute la France puis des métros dans toute la région parisienne. Le blocage rend hystériques les journaux de tout bord, du Monde au Figaro, et quelques personnes stupides incapables de voir que la « pagaïe » qu’il entraîne est bien moins nocive que la pollution qu’il empêche. Surtout le blocage favorise les rencontres, brise la monotonie, dissout les séparations, freine l’activité affranchie ; il augmente le plaisir, l’anti-groupe l’accroît.
L’un et l’autre (l’un par l’autre) sont le moment négatif de l’insurrection où déjà le négatif se nie lui-même, où l’opposition à la société affranchie affirme sa positivité. Du sein du désordre naît un nouvel ordre.
L’anti-groupe n’a pas moins fait sourire. D’ailleurs il n’a publiquement éveillé aucun écho [si l’on excepte des allusions claires à son endroit dans le best-seller de Ratgeb-Vaneigem De la grève sauvage à l’autogestion généralisée]. Ainsi pourrait-on répéter à son propos les paroles de Lu Xun : « Je compris que, si les propositions d’un homme recueillent une approbation, cela l’encourage à poursuivre ; si elles suscitent une opposition, cela l’incite à combattre ; mais la vraie tragédie pour lui, c’est que sa voix s’éveille d’entre les vivants sans provoquer d’écho, sans rencontrer ni approbation ni opposition. »
(…)
Qu’est-ce qu’un anti-groupe ? Un contrat de jouissance plus ou moins tacite entre des individus qui décident de mener une action ensemble puis de se séparer après sa réalisation ou de renouer entre eux ou avec d’autres des relations en vue d’autres actions. C’est un produit des circonstances qui les modifie en retour. Des individus travaillent ou se trouvent ensemble à un certain moment. Leur situation le étouffe. Ils transforment leur situation passive en union rebelle qui transforme leur situation.
On trouve dans L’unique et sa propriété une conception qui se rapproche de la nôtre Stirner oppose souvent la « société » ou la « communauté » à « l’association », tout comme la révolution à l’insurrection. La société est subie, passive, l’association qui en sort, qui peut en sortir, est active, souvent temporaire. Il prend comme illustration de la première la prison, de la seconde un groupe de prisonniers qui veulent s’évader et se séparent si l’évasion réussit. Car leur séparation est probable, même si certains peuvent rester ensemble pour entreprendre d’autres actions (c’est une des raisons des modernistes actuels pour supprimer les prisons qui favorisent les rencontres).
On a jusqu’à présent trop peu remarqué que l’action, l’action réussie, tue l’organisation. [Mutatis mutandis] « atteindre au but en expirant comme le coureur antique », voilà le profond mystère que relève Hegel dans La Raison dans l’histoire ; parlant des « individus historiques », il écrit : « Leur but atteint ils sont tombés comme des douilles vides. » Ainsi on s’organise pour agir et à la fin le but se retourne contre le moyen et l’achève. Une telle conjonction de la réussite et de la mort n’est d’ailleurs pas plus étonnante que le paradoxe de l’orgasme où le plus haut point d’incandescence du plaisir coïncide exactement avec son extinction et en marque le terme, au moins provisoire. On la trouve encore dans le phénomène de l’explosion d’une bombe qui détruit au moment où elle disparaît (si au contraire elle reste intacte c’est qu’elle a échoué. L’anti-groupe reconnaît cette anomalie qui est d’ailleurs en un sens une excellente protection contre l’ennemi : il se volatilise au moment précis où il a achevé son œuvre, au faîte suprême de sa puissance.

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